La Russie a annoncé mardi 11 août avoir mis au point un vaccin efficace contre le coronavirus, le Spoutnik V. Une affirmation qui a recueilli le scepticisme d’une grande part de la communauté scientifique, notamment en France.
La course au vaccin contre le coronavirus ressemble à une réplique miniature de la course à l’espace. L’objectif est d’arriver coûte que coûte en premier et que l’effet d’annonce impressionne le reste du monde. Mais quand il s’agit de santé et de recherche, le processus nécessite lenteur, vérifications, tests et études randomisées. Pour cette raison, l’annonce russe a attiré la défiance voire la colère de certains scientifiques. Mais à tort ou à raison ? Difficile de savoir.
Spoutnik V a fait couler l’ancre dans les principales rédactions de France, où les scientifiques étaient invités à exprimer leur avis. Marie-Paule Kiény, virologue et ancienne directrice adjointe à l’OMS, a communiqué son opinion à l’AFP, reprise dans de nombreux articles : « Cette déclaration est prématurée car on ne sait pas encore si ce vaccin va protéger contre le Covid-19 ni quelle sera la durée de l’immunité ».
L’OMS va analyser les essais russes
François Balloux, chercheur suisse, n’y va pas par quatre chemins dans les colonnes de Libération : « C’est totalement irresponsable (…) S’affranchir de la phase 3 à petite ou à grande échelle, c’est se passer de savoir si le vaccin est efficace, éthique, et qu’il n’y a pas de contre-indications sévères et d’effets secondaires rares et très délétères. » C’est donc le processus bâclé qui semble être la cible des critiques. Même remarque chez Isabelle Imbert, chercheuse du CNRS à Marseille, interrogée par Le Parisien : « Au mieux les labos russes ont commencé leurs essais en janvier, huit mois de recherche pour sortir un vaccin, c’est impossible ! »
Dans la presse française, le consensus semble clair : il s’agit d’un coup de communication du Kremlin réalisé au détriment de la prudence scientifique. L’un des effets que cette annonce pourrait avoir, selon L’Humanité, c’est le risque d’aggravation de la « fièvre financière » autour de ce vaccin. Les réactions sont donc loin d’être enthousiastes face au vaccin russe. L’OMS, qui milite pour un accès mondial et équitable au vaccin, s’est montrée prudente mais pas critique. « L’OMS est en contact avec les scientifiques et les autorités russes et attend avec impatience d’étudier les détails des essais », a communiqué l’organisation.
