Ugine la Russe (1) : Saint-Alexis, un miracle orthodoxe en Savoie


Culture, Reportage / vendredi, septembre 29th, 2017

L’Ours magazine lance un dossier spécial sur la ville d’Ugine, en Savoie, où la présence d’une importante communauté russe a marqué l’histoire locale. Dans ce premier numéro, L’Ours magazine se penche sur la figure d’Alexis, le Russe le plus connu du Val d’Arly. 

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Photographie extraite du site de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France.

 

Alexis d’Ugine est né à Fomitschevo (Russie) en 1867. Au sein de la communauté russe de Savoie, sa mémoire est intacte. Aussi intacte que l’est son corps, qui a étrangement été sauvegardé par la terre où il reposait depuis sa mort en 1934. Un « miracle » qui, à l’instar de celui qui enveloppa la dépouille de Bernadette Soubirous, éveille encore la curiosité des experts.

La vie du père Alexis semblait tracée, dans la campagne russe, auprès de paroissiens dévoués. La Révolution de 1917 et sa chasse aux clercs en décidèrent autrement. Alexis Medvedkov, de son véritable nom, fut arrêté par la Tchéka qui lui administra un traitement particulièrement violent. Grâce à sa fille, il est libéré et s’exile en Estonie avec sa femme. Après la mort de cette dernière, il est nommé prêtre à Ugine, en 1930, où une paroisse russe vient d’être créée.

Un prêtre russe entre les montagnes savoyardes

Ugine est alors une ville industrielle prospère grâce à son activité métallurgique. De nombreux Russes (et quelques Estoniens) y travaillent, émigrés au début du siècle. La communauté ouvrière slave avoisinait alors les 700 personnes. A 63 ans, le vieux prêtre passe pour un original auprès des Uginois. En cachette, il reverse une partie de son salaire aux plus pauvres. Sa personnalité divise : il est tantôt respecté, tantôt moqué.

Parmi les influences d’Alexis, on peut relever les textes d’Alexeï Khomiakov, poète et philosophe russe. Il partage sa vision de l’orthodoxie et sa « slavophilie » face à l’occidentalisme. Par son tempérament apaisant, il a su harmoniser la communauté russe d’Ugine et attirer dans son église de plus en plus de visiteurs.

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L’arrivée des reliques de Saint-Alexis d’Ugine. Photo extraite du site du monastère orthodoxe Notre-Dame-de-Toute-Protection.

 

Le « miracle » et la canonisation d’Alexis d’Ugine

Atteint d’un cancer, Alexis succombe le 22 août 1934. Le 22 août… C’est précisément à cette date qu’en 1956 la municipalité du Val d’Arly décide de déterrer les corps du cimetière uginois pour construire des nouveaux bâtiments. Les ouvriers chargés de cette mission découvrent alors le corps intact de l’homme d’Eglise. Un médecin en atteste : « Jamais un homme mort d’un cancer généralisé n’a échappé à la décomposition. C’est un vrai miracle ! ».

Le corps est laissé à l’air libre, afin que les Russes et les Français puissent observer de leurs propres yeux le phénomène. Le père Chportak, qui dirige l’église, en informe sa hiérarchie. Le journal La pensée russe écrit un article sur le sujet. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre et étonne l’Eglise orthodoxe. Le corps est remis dans un cercueil, où il restera un an. Cependant, le miracle se prolonge : un an plus tard, le cadavre ne s’est toujours pas désagrégé, alors qu’il était à l’air libre…

Le corps d’Alexis est transféré à l’église orthodoxe de Sainte-Geneviève-des-Bois. En 2004, il est canonisé à Paris et l’on dépose ses reliques à l’église de la Transfiguration. Ugine, qui ne compte plus qu’une vingtaine de familles russes aujourd’hui, est toujours considérée comme la « Petite Russie » française. Une association, « La communauté russe et Ugine », participe à la préservation de cette mémoire.

Paul Leboulanger

A paraître : « Ugine la Russe (2) : l’acier pour réunir 2000 ouvriers » et « Ugine la Russe (3) : escapade dans le hangar sacré des orthodoxes »

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