Il était passionné par la musique russe, par le folklore russe et, accompagné par son groupe Odessa, il égayait de nombreuses villes du Sud de la France. Rendons hommage à Léon Tourtzevitch.
L’Ours Magazine avait accordé un entretien à Leon Tourtzevitch en 2017. Il disait alors que son rêve était de voir émerger une « musique russe universelle », qui parle à tous les cœurs, qui transcende les frontières pour apporter joie et profondeur. Pendant des années, Odessa (son groupe) et lui ont rempli des salles entre le Gard et l’Hérault, parfois plus loin, pour faire découvrir les mélodies traditionnelles de la Russie au public français.
Quelques jours avant qu’il parte, il a pu voir se matérialiser un grand projet. En effet, le disque édité par le producteur Marianne Mélodie a gravé pour toujours sa voix et les musiques slaves dans la mémoire. Jean-Marc Torchy, l’accordéoniste du groupe, se souvient que lors de son dernier concert à Palavas, Léon Tourtzevitch avait interprété l’une de ses plus récentes créations, une Aria russe ; cette musique fut jouée lors de son enterrement, avec force émotion.
Léon Tourtzevitch vivait à travers les arts
Son histoire – celle d’un artiste franco-russe – il l’assume fièrement et en fait une force. L’histoire incroyable de ses parents, qui se sont rencontrés dans un camp allemand lors de la Seconde Guerre mondiale, réunis amoureusement autour d’un violon, Léon l’a gravée à l’ancre dans un récit autobiographique. Car il aimait les arts, tous, sans exception, et les faisait vivre à sa manière dans sa vie et au contact des gens qui l’entouraient.
Nul besoin de forcer le panégyrique : pour honorer la mémoire de Léon Tourtzevitch, sans même effleurer son histoire, laissons ses proches et ses amis en parler. Le musicien Calogero Messina, l’un de ses grands amis, dépeint ainsi l’homme : « Il avait une aura similaire à celle que l’on imagine propre aux seigneurs de la Renaissance, il excellait dans beaucoup de domaines. Musicien, compositeur, chanteur, il excellait aussi dans les lettres, il a peint des icônes, ses compétences techniques lui ont permis de transformer sa maison en studio d’enregistrement. Il était un showman ».
“Il savait rassembler et motiver autour de lui”
Natalia Nucubidze, artiste d’origine géorgienne, se souviendra toujours avec quelle hospitalité Léon l’a aidée à s’intégrer en France. « Il était comme un père pour moi », dit-elle, très émue. Après l’enterrement, elle a chanté en sa mémoire et s’est rappelé tous les bons moments. Le fils de Léon, Cyril, a posté un message sur Facebook qui a attiré de très nombreux hommages amicaux, qui montrent quelle image il avait laissée. « Il savait rassembler et motiver autour de lui les talents des autres, ajoute Calogero Messina. Un grand manque pour beaucoup de personnes ».
Quant à moi, rédacteur de ses lignes, je me souviendrai de sa jovialité communicative. Léon ne pouvait s’empêcher, quand il se prenait à vous parler de musique russe, de passer d’un instrument à l’autre, de chantonner quelque air, de vous parler d’un souvenir, et cela avec une fougue sincère. Je me souviens d’un repas préparé par ses soins arrosé d’un vin moldave et de sa passion pour les fraises (il pouvait finir un saladier !). Sa maison pleine de soleil, son zèle pour Odessa. Il était, dans le sens noble de l’expression, un bon vivant – et les germes de son âme russe n’y sont pas pour rien.
On saura bientôt si le groupe se maintiendra, puisqu’il se réunira dans quelques jours pour déterminer de la suite à donner à cette incroyable aventure. Si le public espère de toutes ses forces, ce sont les musiciens qui composeront en fonction de leurs possibilités.
Aux petits soins des amateurs de musique russe
Il avait aussi une pudeur à exposer sa souffrance. « Il faisait comme si de rien n’était malgré sa maladie, observe Jean-Marc Torchy. Lors d’un concert, un quart d’heure avant de commencer, il était pâle et souffrait. Pourtant il est monté sur scène et n’a rien montré. » Toujours partant pour les projets musicaux, optimiste, il savait pertinemment qu’il vivait ses dernières semaines.
« Les saules », « Ah Odessa », « Volga » étaient des airs russes qu’il aimait jouer. Toujours hésitant entre l’attachement le plus pur à la musique russe et le besoin de trouver une mélodie qui plaira à son public, il demandait souvent : « Et cette musique, vous pensez qu’elle plaira aux Français ? ». Et il concevait des petits fascicules explicatifs pour que les auditeurs comprennent bien le sens de chaque chanson. Les musiques de Léon Tourtzevitch, oui, plurent ; mais c’est surtout l’homme et son caractère qui marquèrent un grand nombre de personnes, à Montpellier et dans la région.