Les Français ont-ils oublié le sacrifice de Stalingrad ?


Histoire / mercredi, février 8th, 2023

GRAND FORMAT – Depuis plusieurs décennies, la mémoire européenne tend à minimiser le rôle crucial de la résistance soviétique face à l’impérialisme allemand. Alors que l’on a commémoré en ce 3 février 2023 la bataille de Stalingrad, face au silence ingrat et glaçant, des voix se sont élevées pour maintenir la flamme du souvenir.

La bataille de Stalingrad est une boucherie qui a changé le destin de la France. 8 000 morts par jour. 500 000 citoyens soviétiques tombés les armes à la main pour extirper le nazisme du continent. 650 000 hommes et femmes blessés. Des milliers de chars et d’avions réduits en poussière. Cette bataille, qui prend fin le 3 février 1943, a infligé une défaite décisive aux armées de Hitler. 

Le poète chilien Pablo Neruda, dès 1942, prend la plume pour rendre hommage aux combattants de Stalingrad. Il les remercie au nom de tous les peuples, dont le nôtre, qui rêve enfin de Libération : “La France revient à ses éternelles barricades / dans une bannière de rage drapant / ses larmes fraîchement séchées / Tu n’es plus seule, Stalingrad”. Au-delà du nouvel espoir que suscite cette victoire des Alliés, c’est surtout une vengeance de Paris offerte par le sang russe : “Ceux qui humilièrent les courbes de l’Arc / et trouèrent les eaux de la Seine / avec l’assentiment de l’esclave / se sont arrêtés à Stalingrad”.  

Le général de Gaulle s’est rendu deux fois sur les lieux de la bataille : d’abord en 1944, pour constater les ruines encore fumantes, puis en 1966, pour sceller l’amitié entre la France et la Russie soviétique, alors que Paris quittait l’alliance transatlantique. 

Il est admissible – il est compréhensible – que le contexte actuel dissuade la présidence française de commémorer Stalingrad de concert avec Moscou. Il n’empêche. Le silence quasi unanime des associations d’anciens combattants, des historiens, des journalistes ou des personnalités politiques est profondément problématique. 

Premièrement, il participe de la méconnaissance historique, qui permet à de nouvelles théories d’apparaître, qui surévaluent largement le rôle américain dans la Seconde Guerre mondiale. Ensuite, ce silence pose une question de conscience : à qui devons-nous ce confort et cette liberté dont nous profitons avidement ? A quoi ressemblerait la France collaborationniste aujourd’hui si 27 millions d’êtres humains, sur le front de l’Est, n’étaient pas morts pour détruire le nazisme ? Sait-on encore que les pertes américaines ne représentent même pas 1% des pertes soviétiques ?

Face au silence, quelque part à Paris, des gens se sont réunis pour rendre hommage aux combattants de Stalingrad. Une soirée était en effet organisée par la Maison russe des sciences et de la culture à laquelle étaient conviés des personnalités françaises et russes, des historiens et des hommes politiques de tout bord. En duplex de Volgograd (nom actuel de l’ancienne Stalingrad), le petit-fils du général de Gaulle, Pierre de Gaulle, a adressé un message solennel à l’assistance.

Intervention de Pierre de Gaulle en direct de Volgograd. Crédit : Alexis, Maison russe des sciences et de la culture.

Déclarations lors du 80e anniversaire de Stalingrad

Pierre de Gaulle : “Je viens de mon plein gré en Russie rendre hommage aux civils et aux soldats. Peuple de Russie, sois fier. Aujourd’hui nous honorons les luttes de ceux qui ont fait le sacrifice de leurs vies pour battre l’armée nazie. On ne peut pas vaincre l’âme russe, ni son peuple, ni son armée. (…) Le général a très vite pensé que la victoire de Stalingrad signait la défaite allemande. Il vous a rendu hommage en offrant la Croix de la Libération à la ville

Annie Lacroix-Riz, historienne : “A écouter ce qu’on écoute de nos jours, on douterait presque que Stalingrad ait eu lieu. On penserait que les Etats-Unis ont libéré l’Europe. (…) Rappelons que le général Doyen, dans une lettre adressée au maréchal Pétain dès juillet 1941, fait état de la farouche résistance des Soviétiques, prédit la défaite allemande et la future domination américaine. (…) Du jour de la victoire de Stalingrad (3 février 1943), les Occidentaux interviennent pour que l’URSS garde ses frontières de 1918. Emmanuel Suard, délégué français aux Etats-Unis, demande dès janvier 1943 à leur gouvernement d’intervenir en France pour limiter l’influence de l’URSS. (…) Stalingrad a nourri la résistance, elle a donné confiance au peuple, en même temps qu’elle a instillé une peur constante aux nazis. C’était une bouffée d’air frais pour les classes ouvrières qui subissaient défaite sur défaite depuis 1922.

Guillaume Rat, représentant de la fondation La bataille de Stalingrad : “N’oublions pas que ce sont les Russes qui ont libéré Auschwitz. (…) En tant qu’ambassadeur de la Paix, je pense qu’il faut maintenir des ponts entre la France et la Russie. On aurait dû organiser davantage de voyages diplomatiques.

Crédit : Alexis, Maison russe des sciences et de la culture.

Une réponse à « Les Français ont-ils oublié le sacrifice de Stalingrad ? »

  1. Peuple russe, honore le sacrifice de tes enfants
    Que le rouge de ton indomptable et fier drapeau
    Soit toujours humide des larmes de tes héros,
    Ayant versé pour la Rodina des larmes de sang.

    Peuple russe, fidèle et éternel ami de la France
    Soit le pilier de ce monde bien souvent trahi et sacrifié.
    Et sacrifié sur l’autel de trop de fausses vanités.
    Sois de nos regards, derrière le Christ, la dernière espérance.

    Peuple russe, défend tes enfants de la terreur.
    Sois l’ourse féroce qui protège les siens
    De chaque embûche, de chaque ravin
    Et rend à chacun la lumière qui chasse la peur.

    Ô peuple de Russie, la France a failli à sa mission sacrée.
    Que ta consécration à Notre-Dame guide tes pas,
    Et, suppléant la faiblesse de notre bras
    Aide ta soeur aînée à retrouver la foi qui l’a jadis animée.

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