Vous avez peut-être croisé cet homme sur la ligne 2, une guitare à la main. Vous ne le verrez jamais descendre sur le quai de Stalingrad.
Un accent slave, une grosse moustache, l’homme sifflote des airs folkloriques et chantonne tout bas, adossé à la porte du métro. « C’est une musique que les soldats chantaient pendant la Seconde Guerre mondiale », avertit-il avant de gratter sa guitare. Le métro brinquebale et, autour du Russe, les passagers se laissent bercer, indifférents. Une dame pique du nez dans son livre, un vieux monsieur fixe benoîtement son reflet sur les vitres.
Le métro ralentit au niveau de Jaurès. Les sifflotements s’estompent et la guitare s’arrête net. « Je ne vais pas descendre à Stalingrad car il n’y a pas moyen d’en revenir, c’est un aller simple. Je préfère descendre à Jaurès ». Pour lui, c’est une question de principe, un sentiment contraignant. Quelques passagers qui évitaient jusqu’ici son regard donnent des pièces au guitariste russe.
Une station renommée en 1946
Pour rappel, la station Stalingrad a été construite en 1903 pour prolonger la ligne d’Anvers à Alexandre Dumas. 1903, vous avez dit ? Mais la bataille de Stalingrad ne date-t-elle pas de la Seconde Guerre mondiale ? Tout à fait, mais la station s’appelait alors Rue d’Aubervilliers.
C’est le 10 février 1946, au lendemain du conflit, que la station est renommée Stalingrad, en référence à la victoire soviétique sur les nazis. La bataille de Stalingrad a duré plusieurs mois, entre septembre 1942 et février 1943. Il s’agit de la 33e station de métro la plus fréquenté de la capitale.