Nikolaï Kapoustine, biographie du compositeur et pianiste russe

Le compositeur russe Nikolaï Kapoustine est surtout connu pour ses mélodies de jazz qu’il composait et jouait au piano. L’Ours Magazine vous offre une biographie inédite.

nikolai kapoustine
Nikolaï Kapoustine a toujours associé musique classique et jazz.

Enfance de Nikolaï Kapoustine

Une famille déchirée pendant la guerre

Nikolaï Kapoustine est né le 22 novembre 1937 à Gorlovka, dans l’actuelle Ukraine qui était alors une république soviétique. Ses parents sont Grigori et Claudia Kapoustine. Lorsqu’il n’a que quatre ans, au début de la Seconde Guerre mondiale, Nikolaï Kapoustine est évacué au Kirghizistan avec sa grande sœur Fira, sa mère et sa grand-mère.

Pendant deux ans, le noyau familial vit à l’abri du conflit dans la petite ville de Tokmok. Son père, Grigori Kapoustine, est sur la ligne de front et combat contre l’envahisseur allemand. A l’été 1945, il rentre enfin et la famille se retrouve en Ukraine.

La découverte du piano avec deux professeurs

Nikolaï Kapoustine découvre la musique alors qu’il n’a que sept ans. Il reçoit en effet des leçons privées de piano par Piotr Vinnichenko, spécialiste du violon qui savait aussi jouer du piano. Sa sœur Fira recevait avant lui des cours de violon, ce qui a incité Nikolaï Kapoustine à demander d’être formé au piano.

C’est en écoutant le petit Nikolaï jouer une sonatina de Clementi que Piotr Vinnichenko est convaincu d’une chose : il faut un meilleur professeur de piano pour cet enfant. Il reconnaît en Nikolaï Kapoustine un surdoué au potentiel incroyable. Même s’il demeure son élève jusqu’en 1949, Nikolaï prend des leçons avec Lioubov Franzuzova, une diplômée du Conservatoire de Saint-Pétersbourg qui a été formée par Samouïl Maïkapar.

Nikolaï Kapoustine étudiant au Conservatoire de Moscou

Une entrée réussie au Conservatoire

Pendant trois ans, Lioubov Franzuzova n’a qu’un but : former Nikolaï Kapoustine au piano pour qu’il réussisse les examens d’entrée au Conservatoire de Moscou. Le jeune homme est fortement ému à cette époque, car il se rend à Moscou avec son fidèle Piotr Vinnichenko.

Le fait est que nous sommes venus à Moscou dans le seul but de réussir mon entrée à l’école, et c’est ce que j’ai fait.

Nikolaï Kapoustine

La relation de Kapoustine avec Aurelian Rubbach

Nikolaï Kapoustine est reçu comme élève du Conservatoire dans la classe d’Aurelian Rubbach. Ce dernier est totalement bluffé par le talent de son élève qui n’a que 14 ans. Kapoustine a dit plus tard qu’il n’avait alors aucun talent, si ce n’est son potentiel à composer des musiques. C’est selon lui ces capacités qu’Aurelian Rubbach admirait. Déjà un an plus tôt, Nikolaï Kapoustine avait écrit sa première sonate pour piano.

La relation de Nikolaï Kapoustine et Aurelian Rubbach est très fructueuse. De 1952 à 1956, le jeune homme découvre le vaste champ de la composition et se voit encourager par son professeur à suivre son goût pour le jazz. « Il m’a appris à jouer du piano » dit sans détour Kapoustine.

Nikolaï Kapoustine et le jazz

Une période de dégel

Un événement a aussi joué pour inciter Nikolaï Kapoustine à s’investir pour la musique jazz : la mort de Staline. En effet, s’ensuit une période de dégel et la population s’intéresse de plus en plus à ce genre qui n’est pourtant toujours pas accepté officiellement.

Au début des années 1950, le jazz était totalement interdit, et il y avait des articles dans nos journaux qui disaient que c’était typiquement la culture capitaliste, que l’on devait la jeter et l’oublier.

Nikolaï Kapoustine

La relation avec la famille Mikhalkov

Les années de Kapoustine au Conservatoire étaient de belles années. Il compte parmi ses amis proches Andreï Kontchalovski. Comme les conditions de vie étaient assez mauvaises au dortoir du Conservatoire, le père de Kontchalovski, le célèbre poète Sergueï Mikhalkov, l’a invité à vivre chez lui. Ainsi, entre 1954 et 1955, Nikolaï Kapoustine est hébergé chez la famille Mikhalkov.

L’ambiance qui règne chez les Mikhalkov est inestimable. « J’ai vécu dans leur maison pendant plusieurs années en tant que fils adoptif », a-t-il ironisé plus tard. Le jeune compositeur rencontre l’élite artistique soviétique et découvre véritablement le jazz à cette époque, sous l’angle des improvisations.

Il écoute Voice of America et entend pour la première fois Louis Armstrong, Glenn Miller, Nat King Cole ou encore Benny Goodman. Nikolaï Kapoustine a la chance de rencontrer le jazzman russe Oleg Lundstrem.

Kapoustine, un pianiste de talent

Les succès de Nikolaï Kapoustine

kapoustine piano
Le premier enregistrement du Kapoustine a été fait par des Américains.

Le jazz devient la passion majeure de Kapoustine. Il compose une quintette pour piano qu’il joue dans un restaurant de Moscou. Sa performance est enregistrée par des Américains qui, de retour aux Etats-Unis, la diffusent sur Voice of America. C’est donc à l’étranger que le nom de Nikolaï Kapoustine est pour la première fois mentionné.

Nikolaï Kapoustine reçoit son diplôme du Conservatoire de Moscou. Il est accepté dans la classe du légendaire pianiste et compositeur Alexandre Goldenweiser. Ce professeur trouve que Kapoustine fait partie des héritiers de Rachmaninov, Scriabine et Tchaïkovski.

La relation avec Alexandre Goldenweiser

Alexandre Goldenweiser est impressionné lorsqu’il entend son élève jouer les Réminiscences de Don Juan, un opéra composé par Franz Lizst et particulièrement ardu. « Où avez-vous trouvé un tel pianiste ? » demande Goldenweiser à Aurelian Rubbach. Il décide de perfectionner le talent de Nikolaï Kapoustine, mais ne lui apprend rien quant au jazz, un mot qu’il n’aurait jamais entendu selon son disciple.

En tant qu’enseignant, il ne m’a rien apporté parce qu’il était vieux, il avait 81 ans.

Nikolaï Kapoustine

Nikolaï Kapoustine et le big band d’Oleg Lundstrem

Le Concertino au festival de la jeunesse

En juillet 1957, Nikolaï Kapoustine joue une de ses compositions (Concertino pour piano et orchestre) au sixième Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, à Moscou. C’est un événement international et un pari gagné pour Khrouchtchev, qui attire les jeunes de tous les pays d’Europe.

Ce festival marque décisivement le jeune Kapoustine, qui a écrit son concertino spécialement pour l’événement et qui sera sa première œuvre publiée. A cette occasion, il travaille avec Yuri Saulsky et son groupe, pour lequel il se met à écrire. Plus tard, il travaille avec le big band d’Oleg Lundstrem.

Les années 1960 : l’envol de Kapoustine

A la fin des années 1950, le groupe de Lundstrem commence à voyager à l’étranger et aux quatre coins de la Russie. Oleg Lundstrem et Nikolaï Kapoustine travaillent ensemble de 1961 à 1972, onze années que le jazzman qualifiera de « second conservatoire », une sorte d’école bien plus sérieuse. La première œuvre publiée pour ce groupe est le Concerto pour piano.

En tant que compositeur de jazz classique, Nikolaï Kapoustine commence à avoir une certaine renommée nationale. L’enregistrement de sa Toccata a été diffusée à la télévision russe en 1964.

La fin de la scène pour Nikolaï Kapoustine

La rencontre avec Alla Baranovskaya

Nikolaï Kapoustine rencontre sa femme Alla Baranovskaya à Novokouznetsk dans un café. Il l’invite à l’un de ses concerts. Le couple se marie en 1969 et a deux enfants : Anton, qui deviendra physicien, et Pavel, qui sera économiste.

Kapoustine joue pour le cinéma, la télé et la radio

Responsable de sa famille, Kapoustine prévient son groupe de jazz qu’il ne pourra plus faire de longs voyages. En 1972, il entre au service de l’orchestre de Boris Karamyshev, qui joue en direct à la télévision et à la radio des œuvres soviétiques ou même celles de Kapoustine. De temps en temps, il doit suivre cet orchestre en tournée.

De 1977 à 1984, Nikolaï Kapoustine travaille pour l’Orchestre symphonique de la cinématographie. Pendant cette période, il joue donc des musiques pour accompagner le cinéma. Il ne se consacre plus trop à la scène, mais on le voit interpréter par exemple son Concerto pour piano et orchestre n°2 en 1980.

Je n’aime pas jouer sur scène, mais j’aime enregistrer.

Nikolaï Kapoustine

Nikolaï Kapoustine, un monument du jazz

Le séjour à Londres avec la Kaputsin’s Society

A partir de 1984, Nikolaï Kapoustine ne joue quasiment plus jamais sur scène devant le public. Il enregistre de nombreux disques appelés Kapoustine joue Kapoustine, qui ne sont pas disponibles en dehors du Japon, car le label est japonais.

En 2000, Kapoustine se rend au Royaume-Uni pour assister à la création de la Kapustin’s Society of Pianists. Ce regroupement, fondé par Jan Hoare, réunit les admirateurs de la musique de Nikolaï Kapoustine. Très bien accueilli à Londres, reçu par le journaliste Martin Anderson, le compositeur dédie sa Sonate pour piano n°11 à la ville anglaise et la baptise même Sonate Twickenham, du nom d’un quartier londonien.

Plusieurs concerts hommages

Plusieurs concerts en hommage à Nikolaï Kapoustine ont eu lieu en Russie, dont un à l’Orchestre philharmonique de Moscou en 2009 et le dernier en date à l’Arkhipova Concert Hall de Moscou en 2011.

Nikolaï Kapoustine ne donne plus d’interviews et vit retiré dans son appartement moscovite. Il y habite avec sa femme, Alla Baranovskaya devenue Kapoustina. Le couple voyage encore chaque été dans leur maison secondaire.

Je n’ai jamais été un musicien de jazz, je n’ai jamais essayé d’être un vrai pianiste de jazz, mais j’y étais contraint pour mes compositions. L’improvisation ne m’intéresse pas, et qu’est-ce qu’un jazzman sans l’improvisation ?

Nikolaï Kapoustine

Liste des œuvres de Nikolaï Kapoustine

  • 1957 : Concertino pour piano et orchestre
  • 1961 : Concerto pour piano et orchestre n°1
  • 1962 : Variations pour piano et big band
  • 1963 : Rose-Marie
  • 1964 : Toccata pour piano et orchestre
  • 1966 : The trial
  • 1966 : Estacade pour big band
  • 1967 : Aquarium blues pour big band
  • 1968 : Intermezzo pour piano et orchestre
  • 1974 : Concerto pour piano et orchestre n°2
  • 1974 : Etude pour piano et orchestre
  • 1974 : Menuet pour big band
  • 1975 : Enigma pour big band
  • 1975 : Marche pour orchestre
  • 1976 : Concert rhapsody pour piano et orchestre
  • 1976 : Day-break pour piano
  • 1976 : Day-break pour orchestre
  • 1978 : Scherzo pour piano et orchestre
  • 1980 : Elegy pour orchestre
  • 1983 : Toccatina pour piano
  • 1984 : Sonate pour piano n°1
  • 1984 : Eight etude concert pour piano
  • 1985 : Concerto pour piano et orchestre n°3
  • 1986 : Sinfonietta pour orchestre
  • 1987 : Ouverture pour big band
  • 1989 : Sonate pour piano n°2
  • 1989 : Concerto pour piano et orchestre n°4
  • 1990 : Sonate pour piano n°3
  • 1990 : Andante pour piano
  • 1991 : Sonates pour piano n°4 à 7
  • 1992 : Trois études pour piano
  • 1994 : Humoresque pour piano
  • 1995 : Sonates pour piano n°8 et 9
  • 1997 : Concerto pour violoncelle et orchestre
  • 1998 : Quatuor à cordes
  • 1998 : Quatuor pour piano
  • 2000 : Sonatina pour piano
  • 2000 : Sonate pour piano n°11 Twickenham
  • 2007 : Quatuor à cordes n°2
  • 2009 : Concerto pour violon
  • 2011 : Sonates pour piano n°19 et 20
  • 2014 : Allegro pour trois pianos
  • 2016 : The moon rainbow

Il s’agit d’une liste non exhaustive, Nikolaï Kapoustine a composé beaucoup d’autres œuvres, en particulier les sonates pour piano.