Intrus dans la liste des dirigeants soviétiques, entre Brejnev et Gorbatchev, Konstantin Tchernenko est très peu mis en lumière par l’historiographie. Maladif et extrêmement âgé, il symbolise la dernière tentative du communisme rigoriste avant l’effondrement.
Nous sommes en février 1984. Iouri Andropov, qui a brièvement succédé à Brejnev, est entre la vie et la mort. Le Parti communiste n’est plus capable de trouver de jeunes dirigeants et ne fait confiance qu’à sa vieille garde. Pour remplacer Andropov au poste de secrétaire général du Parti, on pressent un vieil homme de 73 ans, fidèle de la première heure du défunt Brejnev, qui fut même son dauphin pendant des années. Il s’appelle Konstantin Tchernenko. Sa santé est fragile.
Pourquoi Tchernenko ? Il représente ce que le communisme a de plus figé, de plus immuable et immobile. En somme, il est la réplique de Brejnev. Après quelques mois de réformisme modéré, le Parti veut retrouver son pouvoir tyrannique. La communauté internationale se moque de l’élection de Tchernenko. Pour le Canard enchaîné, c’est « le triomphe du marxisme-sénilisme ». Il faut dire qu’on a affaire à un pré-squelette.
Un règne passé dans les hôpitaux
Konstantin Tchernenko passe son court règne à voguer d’hôpital en hôpital. Il cumule emphysème des poumons, hépatite chronique, insuffisance cardiopulmonaire et même cirrhose dans ses derniers instants de vie. Son cerveau manque cruellement d’oxygène. Personne ne pouvait mieux représenter une URSS à bout de souffle, malade de mille maux mais surtout malade au sommet, souffrante de ses têtes directrices.
Le Politburo, qui pensait trouver son compte en nommant un vieillard sénile et sans culture à sa tête, commence à comprendre les limites d’un tel système. Très souvent, Tchernenko demande à un autre cadre du Parti de le remplacer pour les réunions : Mikhaïl Gorbatchev. Dans ses mémoires, Nikolaï Ryjkov se souvient ainsi : « Tous les jeudis matin, Mikhaïl Gorbatchev s’asseyait dans son bureau comme un petit orphelin – j’ai souvent assisté à ce triste spectacle – il attendait nerveusement un appel téléphonique de Tchernenko malade ».
La fin du brejnévisme
Quelle fut l’action politique de Konstantin Tchernenko ? Il n’eut que peu de temps pour agir, et se contenta de reproduire ce que l’URSS avait toujours fait depuis l’après-guerre. Dans cette optique, il ne chercha pas à réchauffer les relations avec les Etats-Unis, au contraire, il boycotta les Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. Dans la suite de la politique brejnévienne, Tchernenko se rapprocha de la Chine et remodela à sa guise l’état-major soviétique. Rien de bien significatif, donc.
L’état de santé du leader du PCUS vint à se dégrader plus rapidement que prévu. Déjà, lors des funérailles de son prédécesseur Andropov, Tchernenko n’arrivait pas à aligner deux phrases, passant son temps à essuyer son front dégoulinant et tousser dans sa barbe. Ses gardes du corps l’aidèrent à quitter le Mausolée de Lénine. Le 10 mars 1985, il s’éteint dans l’indifférence générale après un an et un mois au pouvoir. C’est alors que les Soviétiques comprirent l’intérêt d’avoir un réformateur aux commandes, et le « jeune » Gorbatchev se montra le plus véloce à remplir cette fonction.
Excellent article sur la face oubliée de la fin de l’URSS !
Effectivement, je me souviens du moment pénible où Tchernenko a prononcé son discours aux funérailles d’Andropov. D’ici à dire qu’il ne pouvait pas aligner deux phrases, c’est tout de même un peu exagéré. Cependant, il y a une chose que je ne comprends pas bien. Quel intérêt avait Tchernenko à s’appuyer sur Gorbatchev, alors qu’il aurait pu faire confiance à des membres du polit bureau certes plus âgés, mais plus conformes? Chebritsky par exemple.