Le Cercle Pouchkine, association de dialogue franco-russe, accueillait la dernière conférence de l’année, jeudi 7 juin 2018. L’invité, le député Nicolas Dupont-Aignan, est revenu sur la diplomatie française et son lien (trop?) tenu avec les Etats-Unis.
C’est un bel appartement des Champs-Elysées, métro Georges V. Une cheminée de marbre verdâtre, une table en bois verni, et du luxe, de l’élégance, partout dans le décor. Ici se réunit le petit cénacle du Cercle Pouchkine. Des costumes sombres flanqués de cravates discutent avec des robes d’un autre monde. La lumière des lustres se réverbère sur les bijoux et les smartphones. On attend un député.
Il vient d’arriver, avec un bon quart d’heure de retard. Nicolas Dupont-Aignant, candidat à la dernière élection présidentielle, aujourd’hui député de l’Essonne, serre quelques mains et s’installe devant le petit parterre. “Je n’ai rien préparé… Ou plutôt, j’ai profité des trois dernières minutes pour savoir de quoi j’allais vous parler“. Souriant, charmeur, il se met le public dans la poche en trois anecdotes. Une petite pique aux journalistes (“Y en a-t-il ? Non ? J’en ai refusé un, ils ont donc compris…“) et c’est parti. Avec des répliques de Pierre Maillard, conseiller diplomatique du Général de Gaulle, qu’il réchauffe à sa manière, le député parle de la Politique étrangère avec un grand P.
Intérêts communs
“Ce n’est pas parce qu’il y a ici des petits drapeaux de la Russie (il en triture un qu’il a sous le nez) que je verserai dans l’anti-américanisme ni dans la posture pro-russe. D’ailleurs, je ne suis pas pro-russe“. Les choses sont dites. Comme en meeting, le député de Debout la France sait vite se rattraper. “La France et la Russie ont des intérêts communs“, affirme-t-il, avant de revenir sur le conflit ukrainien : “L’Ukraine n’a pas été gentille avec la Russie“. Dans certains cas, explique-t-il, “comme en Iran, il faut s’allier avec Poutine. Macron a abandonné en rase campagne – c’est de la haute trahison. Il n’y a plus de politique étrangère de la France“.
Le style est franc, direct. Les moues et les mimiques du député Dupont-Aignan maintiennent la quarantaine de spectateurs éveillée. Et les blagues, aussi. Les blagues sur le sentiment européen. “J’ai deux filles… avoue le député comme à confesse. Elles ont des copains brésiliens, australiens, et ne les estiment pas plus étrangers que les Allemands. Demandez à vos enfants ! Je n’ai jamais vu un jeune de 18 ans déclarer : ah, qu’est-ce que je me sens Européen !”. Les rires montent et décuplent l’énergie du député, qui se prend au jeu et s’enflamme sur une tirade. “Ce qui est impressionnant…” commence-t-il. Son téléphone sonne. Il le cherche de la main, à l’aveugle. “Ce qui est impressionnant…” Deuxième alarme. “Non, mais ce qui est impressionnant” finit-il par dire en faisant taire son portable d’une taloche. La passion est là, dans sa voix.
Se lever du canapé
C’est l’heure des questions. Tour à tour, se lèvent un professeur de philosophie, un juriste, un entrepreneur, une mathématicienne et un directeur de presse. “L’école peut-elle encore préserver notre identité ? Je n’y crois plus...” se désespère le professeur. “Doit-on dire oui à Poutine ?” se demande quelqu’un. “Nous sommes aux ordres des Etats-Unis” se révolte l’entrepreneur. Le député prend les questions les unes après les autres. Il se permet des tacles à Hollande et Macron, ce président “qui joue Pierre et le Loup dans les salons de l’Elysée (…) installé par les lobbies et les médias“. Deux inquisiteurs sont recadrés par les membres du Cercle Pouchkine pour des questions trop politiques, sur le FN et les élections européennes.
Sommes-nous à l’arrière-train des Yankees ? Sans doute, au vu des conclusions tirées de cette conférence. L’essentiel, selon Dupont-Aignan, c’est de “se lever de son canapé, de prendre son destin en main. Ce qui me déçoit le plus, ce n’est pas la perte des repères – notre jeunesse est forte – mais c’est la différence entre la lucidité du constat et le défaitisme de l’action. Le Français est passif, il faut qu’il se réveille“. Tout le monde se lève, s’achemine vers la salle voisine où l’on verse rosé et champagne dans des petits gobelets. On salue le député, on discute. C’était la dernière conférence de la saison pour le Cercle Pouchkine.
Paul LEBOULANGER