Le colonel Anatoly Andreevitch Fetissov était un grand pilote, un fervent porteur de la mémoire du Normandie-Niémen, mais avant tout un grand homme. Décédé le 21 mars 2020, il a œuvré à une concrète amitié entre la France et la Russie. A nous d’honorer sa mémoire.
Y a-t-il plus beau symbole que le Normandie-Niémen ? L’Histoire compte-t-elle beaucoup de cas, comme celui-ci, où les forces associées en intelligence purent se dresser contre la barbarie ? En 1942, le régiment de chasse envoyé par De Gaulle vint aider l’URSS à contrer l’offensive des nazis et du plan Barbarossa. Ceci est l’histoire du Normandie-Niémen.
Il faut invoquer ainsi la mémoire, quand il faut rendre hommage à Anatoly Fetissov. Car ce fut un homme qui, comme de nombreux Russes, n’oublia pas. C’est grâce à cet homme qu’aujourd’hui, la Fédération de Russie et les anciennes républiques soviétiques comptent près de 215 écoles abritant un musée dédié au régiment de chasse. Grâce à M. Fetissov aussi, que les écoliers connaissent l’histoire de ce régiment, et que plusieurs écoles sont baptisées de son nom.
La mémoire vive du Normandie-Niémen
Pour comprendre l’ampleur de son travail mémoriel, citons cet article de Benjamin Quénelle, journaliste à Moscou en 2010 : « [parlant du lieutenant-colonel Kuzniak] Il a été reçu avec ses hommes sous les applaudissements et les drapeaux de l’école Normandie-Niémen. Une fête à la gloire des vétérans et de l’amitié franco-russe : chaleureuses embrassades, ballons bleu, blanc et rouge, haies d’honneur des élèves (…) ». La liste est encore longue des surprises qui attendaient les soldats français à Moscou. Voilà la mémoire telle qu’elle est vécue par les plus jeunes générations russes.
Anatoly Fetissov fut président de l’association des vétérans du 1er régiment de chasse séparé Normandie-Niémen. « Il a réussi à fédérer et transmettre cette éducation », se souvient Gilles Le Roux, l’un de ses amis. Au-delà de ce rôle moteur, qui l’a conduit à serrer les mains de Mitterrand, Chirac et Poutine, il était surtout pilote, excellent pilote. Dans une note biographique, Yves Donjon explique que M. Fetissov a passé 3 000 heures dans les airs.
Une carrière de pilote exemplaire
Ses amis se rappellent surtout sa modestie. « C’était un grand pilote, décoré des plus hautes distinctions, affirme Gilles Le Roux. Mais il ne cherchait aucunement les honneurs ». Pour preuve, il déclarait à ce propos : « Est-ce bien l’important ? A vrai dire, je rendrais bien toutes ces récompenses reçues pour le seul Ordre de l’Etoile rouge que mon moniteur d’aéro-club avait obtenu ».
Anatoly Fetissov était attaché aux anciens de son régiment et aux vétérans français. Il avait, en retour, leur confiance et leur adhésion. Loin des calculs carriéristes, le pilote russe voulait être près des siens. « Partout où il passait, il construisait des liens affectifs, par exemple avec les descendants de pilotes français », ajoute René Barchi, qui avait un lien fraternel avec le colonel.
Sa première école fut celle de Dimitrievka, le village ukrainien dans lequel il naquit, le 8 mai 1953. A vingt ans, Anatoly Fetissov sort avec la mention « Honneur » de l’école supérieure militaire d’aviation à Ieïsk, dans le kraï de Krasnodar. En 1994, après des années comme pilote, à parfaire sa maîtrise de l’aviation, il devient commandant du 18e régiment de la garde Normandie-Niémen. Poste qu’il occupa six ans. A partir de 2003, le pilote et tireur d’élite émérite de la Fédération de Russie est président de l’association des vétérans du régiment de chasse.
L’héritage du colonel Fétissov
Il est bien ardu de résumer une vie de service, de rigueur et d’accomplissements. « Toute sa vie est une série d’anecdotes, c’est un personnage historique », ainsi que le formule René Barchi. Tout un legs qui restera, espérons-le, vivement ancré dans nos esprits. Le 5 mars 2019, le colonel Fetissov présidait encore, aux côtés de l’attaché de Défense français, une remise de Légions d’honneur à des vétérans russes, Boris Tsudikov et Nikolaï Kulpov.
L’ambassadeur français Pierre Lévy, en poste depuis janvier, n’avait pas eu le temps de le rencontrer. Il a adressé ses condoléances : « Vous avez joué le rôle du passeur de mémoire afin que nos héros communs soient célébrés et que leur exemple nourrisse la réflexion des plus jeunes générations. J’honore, grave et triste, votre haute figure et vous exprime la reconnaissance de la France ».
Délicate sera la tâche de reprendre le flambeau de cet homme. Pour le moment, aucun successeur n’a été désigné pour poursuivre l’activité de l’association russe. Le mémorial français du Normandie-Niémen, lui, a fait parvenir sur les réseaux sociaux son affliction : « Il est difficile de trouver les mots pour traduire ce que l’on ressent en pareille circonstance, mais sachez que toutes nos pensées vont vers sa femme Tamara, ses filles Olga et Nadiejda, et leurs proches ».
Le colonel Anatoly Fetissov s’est éteint, il avait 66 ans.
De 20 ans plus âgé que lui, j’ai trop tard et trop peu connu Anatoly. Pourtant, précisément en raison de cette différence d’âge, je garde de nos deux rencontres et de quelques échanges par mail, avec l’aide de ses amis traducteurs, un souvenir exceptionnel.
Ces trop rares occasions ont suffi pour que je sois encore ému par ce qu’un homme pouvait exprimer d’amour de son métier, d’amour de La Russie, de la France et de leurs ancestrales traditions et valeurs communes.
Merci Anatoly de m’avoir si tardivement offert ta trop brève et si précieuse, authentique et chaleureuse amitié.
Avec émotion je lis tous vos témoignages. Pour ma part , j’ai
Rencontré le Colonel Fetissov le
9 Mai 2018 à Moscou avec mon
Compagnon Bruno Challe décédé le 6 décembre 2018. Nous avions beaucoup d’admiration pour ce grand homme si modeste , si chaleureux , mémoire vive du
Normandie Niemen .