Alexandre Borodine, Le Prince Igor et les danses polovtsiennes

Le Prince Igor et sa partie sur les Danses Polovtsiennes est un opéra en quatre actes d’Alexandre Borodine, repris plus tard en ballet par Michel Fokine.

Genèse du Prince Igor de Borodine

Puiser dans l’histoire des Polovtsiens pour créer un opéra folklorique

Alexandre Borodine, grand compositeur russe membre du Groupe des cinq, avait comme objectif de créer une véritable musique nationale. Pour cela, il s’inspire de l’histoire, des traditions et du folklore des régions de Russie. Il a mené une large étude sociologique et ethnique sur le peuple des Coumans, qui se trouvaient au Nord de la mer Caspienne. Les Coumans sont appelés Polovtsiens par les Russes, ce qui signifie « de couleur fauve ».

Qui lui a soufflé l’idée ? Tout remonte à la soirée musicale du 18 avril 1869, quand Vladimir Stassov propose à Borodine d’écrire un opéra en s’inspirant du Dit de la campagne d’Igor. Ce texte est un poème épique rédigé par les Slaves d’Orient au 12e siècle pour relater la campagne du prince Igor de Novgorod contre les Coumans de Kontchak. Le Dit, écrit en vieux russe, a été découvert en 1795.

guerrier polovtsien ukraine
Sculpture de guerrier couman (polovtsien) datant du 12e siècle.

Le Prince Igor, un opéra inachevé puis achevé

Alexandre Borodine décide d’en faire un opéra, qui sera officiellement créé le 4 novembre 1890 au théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, après plus de vingt ans de travail. Le Prince Igor, puisque tel est le nom de l’œuvre, est malheureusement inachevé à la mort de Borodine. Il faut dire qu’il avait cessé de travailler dessus de 1870 à 1874.

Deux compositeurs vont compléter Le Prince Igor pour en faire une version définitive, un quatre actes (plus un prologue) : Alexandre Glazounov et Nikolaï Rimski-Korsakov. La légende a dit que Glazounov avait composé la fin de l’oeuvre de mémoire, en se souvenant des notes jouées au piano. Le compositeur a toujours affirmé que cette histoire était fausse. La partie des danses polovtsiennes, orchestrée par Borodine, avec Rimski-Korsakov et Liadov, elle, sera jouée du vivant d’Alexandre Borodine, le 27 février 1879.

Alexandre Borodine est mort avec que l’opéra ne soit joué.

Pavel Lamm a travaillé sur la genèse du Prince Igor et pense savoir (ce n’est pas prouvé formellement) que Glazounov et Rimski-Korsakov ont volontairement réécrit la majeure partie de l’opéra, un opéra qui aurait en fait été bien achevé par Borodine.

Synopsis du Prince Igor

Résumé général

En 1189, le prince Igor et son fils Vladimir partent en guerre contre les Polovtsiens mené par le khan Kontchak. Alors qu’il s’apprête à partir, le prince Igor confie le pouvoir temporairement à Galitski. Ce qu’il ignore, c’est que Galitski veut le renverser. Igor et Vladimir sont capturés par les Polovtsiens. Alors que son fils se marie avec la fille du khan, le prince fuit et retourne chez lui, reprendre le pouvoir à Galitski.

Prologue du Prince Igor

La campagne russe est dévastée par les nombreuses attaques des Polovtsiens, menés par le terrible khan Kontchak. Le prince Igor paraît hésiter à partir défendre son peuple et son territoire. Son beau-frère, Galitski, corrompt deux personnes pour conseiller Igor de partir à l’assaut. Malgré l’avis de sa femme et du peuple, le prince Igor décide de partir combattre le khan.

Acte I du Prince Igor

Galitski gère le pouvoir en l’absence du prince Igor, notamment grâce à ses deux bras droits, Jerochka et Skoula. Ceux-ci exercent un pouvoir tyrannique sur le peuple. Une femme est enlevée de force par Galitski, générant la colère du peuple. La femme du prince Igor, Jaroslavna, fait part de ses craintes vis-à-vis de ce nouveau chef. Enfin, la triste nouvelle de la défaite d’Igor et Vladimir arrive aux oreilles de la ville, menacée par les Polovtsiens.

Acte II du Prince Igor

Vladimir, le fils d’Igor, tombe amoureux de la fille du khan pendant sa captivité. Celle-ci convainc son père d’accepter un mariage, cependant Vladimir n’obtient pas l’accord du sien. Kontchak propose alors un accord de paix pour sceller le mariage, en échange de la liberté du prince Igor. Mais celui-ci refuse, prétendant qu’en étant libre il reprendrait sans doute les armes pour combattre le khan.

Acte III du Prince Igor

Le prince Igor apprend que sa cité est menacée et décide de s’enfuir. Avec l’aide d’Ovlour, un Polovtsien, il réussit à s’échapper. Son fils Vladimir reste prisonnier du khan Kontchak qui organise le mariage entre le Russe et sa fille.

Acte IV du Prince Igor

Le prince Igor fait son grand retour à Poutivi, où tout le peuple l’accueille comme un héros. Une grande fête est organisée.

Les danses polovtsiennes par Borodine

polovtsienne bilibine
Danseuse polovtsienne représentée par Ivan Bilibine.

L’opéra du Prince Igor comporte Les danses polovtsiennes, une partie située dans l’acte II qui lui a valu toute la gloire. Les danses polovtsiennes sont tout autant jouées dans l’opéra qu’en concert, les chœurs étant simplement remplacés par des instruments.

Les danses polovtsiennes sont des danses exécutées par la tribu nomade des Coumans alors que le prince Igor est retenu prisonnier.

Les danses polovtsiennes par Fokine

Le ballet en un acte de Michel Fokine est presque plus connu que l’opéra d’Alexandre Borodine dont il s’inspire. Ce ballet est fait spécialement pour le public parisien, auquel Serge Diaghilev a concocté un joli programme. La première a lieu le 18 mai 1909 au théâtre du Châtelet, avec des décors signés Nicolas Roerich et une interprétation du danseur Adoph Bolm.

Le public parisien pensait alors assister à des danses authentiques russes. C’est tout le contraire. En vérité, Michel Fokine a créé les chorégraphies ex nihilo, suivant son inspiration. Bruno Guillois explique même sur le site de la Philharmonie de Paris que les artistes des Ballets russes s’inspiraient du témoignage du peintre George Catlin de retour d’une immersion chez les Peaux-Rouges amérindiens. Il décrivait notamment le danse du scalp pratiquée par les Sioux.