L’importation de la Lada en France, une histoire courte


Histoire / jeudi, octobre 2nd, 2025

Imaginez la France des années 1970 : les autoroutes s’allongent, les Renault 12 et les Peugeot 504 se croisent à la sortie des usines, et la voiture est devenue le symbole d’une liberté conquise au volant. Qui aurait parié qu’un concessionnaire parisien allait un jour convaincre les Français d’acheter… une voiture soviétique ? C’est pourtant ce que fit Jacques Poch, un homme d’affaires aussi audacieux qu’iconoclaste.

Une idée saugrenue… mais géniale

En 1973, Jacques Poch, déjà importateur de Skoda, a l’intuition qu’il existe une place pour les voitures de l’Est en France. Ses yeux se posent sur un constructeur soviétique en pleine ascension : AvtoVAZ, installé à Togliatti, qui produit la fameuse VAZ-2101, clone modernisé de la Fiat 124, adaptée aux routes russes.

La voiture est robuste, rustique, simple à réparer. Bref, l’exact opposé du raffinement automobile français… mais peut-être l’outil idéal pour une clientèle en quête d’efficacité à bas prix.

L’aventure commence : la France découvre la Lada

Sous le nom de Lada, Jacques Poch commence à importer ces berlines venues du froid. Le pari est risqué : vendre aux Français une auto soviétique, dans un contexte de guerre froide et de méfiance idéologique, relève du défi.

Mais le timing est parfait. La crise pétrolière de 1973 pousse les automobilistes à chercher des solutions économiques. La Lada arrive alors comme une voiture pas chère, solide, et increvable. En quelques années, elle séduit les campagnes, les taxis, les familles modestes.

Le slogan implicite : ce n’est pas une voiture pour frimer, mais une voiture pour durer.

Dans les années 1980, Jacques Poch importe également d’autres modèles de l’Est (FSO, Yugo), devenant une sorte de « monsieur Europe de l’Est » de l’automobile en France.

Une épopée paradoxale

La Lada devient un petit phénomène culturel. Pour certains, elle incarne la voiture du peuple, un anti-statut social. Pour d’autres, elle est la voiture «des paysans», de ceux qui veulent du concret plutôt que du clinquant.

Pendant près de deux décennies, la France s’habitue à voir rouler ces berlines carrées, souvent d’un rouge ou d’un beige mat, avec un bruit de moteur reconnaissable entre mille. Les magazines auto se moquent parfois de son manque de raffinement, mais reconnaissent sa robustesse mécanique et son prix imbattable.

La fin de l’histoire (et un héritage inattendu)

Avec la chute du bloc soviétique et l’ouverture des marchés, les voitures de l’Est perdent peu à peu leur avantage compétitif. Les Lada importées par Jacques Poch finissent par disparaître des catalogues, remplacées par une concurrence mondiale toujours plus agressive.

Et pourtant, l’histoire reste savoureuse : un concessionnaire français a réussi, en pleine guerre froide, à faire aimer aux Français une voiture soviétique. Aujourd’hui encore, les collectionneurs s’arrachent certaines Lada, devenues objets de nostalgie et de curiosité.

Conclusion

L’histoire de Jacques Poch et de la Lada, c’est celle d’un pari improbable, gagné à coups d’intuition commerciale et d’un certain flair pour le contre-pied culturel. Dans les années 70–80, rouler en Lada, c’était rouler différemment. Pas glamour, pas chic… mais robuste, accessible, et un brin exotique.

Et si la Lada a quitté nos routes, elle reste dans la mémoire collective comme la preuve qu’un peu d’audace peut faire entrer le grand froid soviétique dans le quotidien automobile français.