Sur les quais de Seine, entre Gorki et Pouchkine


Edito, En passant, Reportage / lundi, janvier 9th, 2017

Alors que je me baladais sur les quais de Seine pour me rendre à la librairie du Globe (légendaire boutique franco-russe de Paris), mon œil fut retenu par le portrait du premier chef d’Etat soviétique, Oulianov Lénine. D’habitude, je me contente de balayer du regard les stands des bouquinistes, qui proposent de vieux livres et des affiches de la Belle époque. Cette fois-ci, je m’arrête et scrute les noms qui figurent sur la tranche des bouquins : Maxime Gorki, Pouchkine, Gontcharov, Limonov, et les incontournables piliers de la littérature russe que sont Tolstoï et Dostoïevski.

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Photo Wikimédia commons

La vendeuse s’approche, frottant ses mains gantées, gelées par le vent froid qui plane sur les quais. Elle ne souhaite ni révéler son nom, ni être prise en photo : “Vous savez, j’ai tellement été sollicitée par des étudiants en journalisme ! Qu’est-ce qu’ils peuvent être embêtants…” Je lui indique ma profession. “Je ne dis pas cela pour vous, bien sûr”, précise-t-elle d’un ton bienveillant.

La joyeuse vendeuse, aujourd’hui retraitée, s’est installée il y a quelques années. Elle n’est pas d’origine russe, elle est simplement passionnée par la culture slave. Après quelques années passées à suivre des leçons, elle a acquis un bon niveau en russe.

Je lui demande s’il y a ici un livre qu’elle pourrait me conseiller. “Pourquoi pas la trilogie des Gorki, ou celui-ci”, dit-elle en me tendant un livre d’un journaliste ayant traversé les villages reculées de Sibérie, rencontrant une famille exilée depuis les purges des années 1930 ! Je vois un livre de Gontcharov qui me tente bien. “Oh, celui-là, je regrette tous les jours de le mettre à la vente, je ne l’ai pas encore lu”, confesse la bouquiniste (plus amatrice de culture que commerçante, d’ailleurs).

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Wikimédia commons – gravure anonyme

Elle estime qu’il est nécessaire de se spécialiser dans un domaine, si elle ne veut pas que son affaire périclite. Sa passion a orienté sa spécialisation. Malgré tout, l’autre moitié de son stand propose de la littérature mondiale. Alors, peut-être qu’un jour, en vous promenant sur le quai du Louvre, par un temps glacial, vous rencontrerez cette humble médiatrice de la culture russe.